Chroniques d’une mère immigrée au Québec : nos défis, nos joies, notre quotidien
- Sandy

- 14 nov.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 nov.
Quand nous avons quitté la Martinique en 2021 pour poser nos valises au Québec, je savais que notre vie allait changer… mais jamais je n’aurais pu imaginer à quel point.
Devenir une maman immigrée, c’est naviguer entre deux mondes, deux cultures, deux climats (littéralement !) et faire en sorte que chacun d'entre nous grandisse, ensemble, dans un pays que l’on apprend à apprivoiser.
Nous sommes arrivés avec nos deux petits trésors :
Lyly, notre grand de 8 ans aujourd’hui, qui avait seulement 3 ans quand il a découvert la neige pour la première fois.
Et Lylyne, notre petite princesse de 5 ans, arrivée au Canada à 11 mois, et qui a grandi dans ce pays comme si elle y avait toujours été.
Il y a les défis, bien sûr. Ceux qu’on n’annonce pas toujours, ceux qui se vivent en silence, ceux qui façonnent une famille. Et puis, il y a les joies, immenses, inattendues, qui rendent tout ça encore plus beau.
C’est ce mélange-là que j’avais envie de te partager : la vraie vie, notre vie.
Les défis : construire de nouveaux repères, un jour à la fois
Le climat : un apprentissage qui dépasse le froid
Le froid est certainement la question qui revient le plus.
Pas seulement de la famille ou des amis, mais même des Québécois eux-mêmes, qui ne comprennent pas toujours pourquoi nous avons quitté notre île au climat tropical pour venir nous emmitoufler ici !
C’est souvent la première blague, le premier étonnement, la première conversation.
Et pourtant… le climat canadien, ce n’est pas juste “le froid”. C’est toute une organisation.
C’est apprendre à gérer les sorties avec deux enfants sous plusieurs couches, adapter les horaires à la lumière, intégrer les tempêtes de neige dans son quotidien. C’est un apprentissage qui bouscule votre rythme, votre énergie, vos habitudes.
Mais peu à peu, on s’adapte. On découvre la beauté des saisons, la chaleur du cocooning, l’émerveillement des enfants (et des parents !) devant les flocons. Et ce qui semblait un défi devient parfois l’une des plus belles découvertes de notre nouvelle vie.
La réalité nord-américaine : repenser nos réflexes culturels
Vivre au Québec, c’est vivre en Amérique du Nord. Et même si le Canada ressemble à l’Europe sur certains aspects, les mentalités, elles, sont assez différentes.
Ici :
le pragmatisme passe avant la complication,
l’optimisme est un réflexe social,
la bienveillance n’est pas un concept : c’est une réalité quotidienne,
la responsabilisation prime sur l’autoritarisme,
la communication est plus douce, plus structurée, plus posée.
Dit comme cela, on pourrait croire que c'est mieux qu'ailleurs, mais on apprend vite que ce n’est ni “mieux” ni “moins bien”. C’est simplement différent, c'est une autre manière d’être, de réagir, voire d’exister dans le monde.
En Martinique et en France, on peut être plus directs, plus spontanés, plus “explosifs” dans nos émotions. Ici, tout est plus stable, plus lisse, plus mesuré — et cela me demande chaque jour un vrai ajustement, surtout quand on élève des enfants.
Parler français… mais vivre autrement
Au Québec, on parle français, oui. Mais pas tout à fait le même. Et ça, vous ne le retrouverez pas dans les guides "d'expatriés" !
Il y a les mots différents, les expressions qui surprennent, les phrases qui nous font sourire selon la compréhension de chacun. Entre un “char”, un “mets-en”, un “c’est correct” ou un “c’est ben l’fun”…On apprend vite que le langage n’est pas seulement une langue : c’est une véritable culture.
Et parfois, ça crée des scènes plutot drôles. Voire d'’autres fois, de légers malaises.
Ces situations nous rappellent que parler français, c’est un avantage… mais ce n’est pas un ticket automatique pour tout comprendre ni se faire comprendre. Il faut parfois réapprendre, observer, décoder, et accepter qu’on est ailleurs.
S’intégrer : comprendre et respecter les codes locaux
S’intégrer, c’est aussi et avant tout, savoir vivre avec les codes sociaux, parfois très différents de ce qu’on connaît.
Beaucoup d’immigrés qui veulent s’intégrer se sentent parfois mis à l’écart quand ils ne se font pas automatiquement inviter chez les gens pour un café ou un souper. Je vais prendre l'exemple des fêtes d'anniversaires d’enfants qui ont toujours lieu dans des espaces récréatifs dédiés, là où en France on célèbre souvent à la maison avec famille et amis.
J'ai souvent entendu certains de mes compatriotes français dire que les québécois ne sont pas accueillants. Mais ce n’est pas de la froideur : c’est juste leur façon d’être, une manière différente d’exprimer la convivialité. Il faut le comprendre pour se sentir bienvenu autrement.
En France, on a la culture de recevoir, et en Martinique, c’est encore plus marqué : on ouvre sa maison à tous, on cuisine toujours trop, on partage sans compter. La gastronomie y est un véritable symbole de lien social et d’identité. Ici, ce rapport est différent, mais il ne vaut ni mieux ni moins : il faut simplement apprendre à naviguer entre ces codes et trouver sa place, sans juger.
Et puis, on peut se poser la question : quand on est nous-mêmes dans notre pays d'origine, dans notre culture, sommes-nous toujours accueillants avec ceux qui viennent d’ailleurs ?
C’est un petit clin d’œil, une réflexion qui ouvre le débat.
Selon moi, l’intégration se construit aussi avec notre capacité à comprendre et à nous adapter aux codes et aux habitudes locales, sans porter de jugement, sans comparer, en apprenant peu à peu à trouver notre place.
Les joies : petits et grands bonheurs du quotidien québécois
Malgré les défis, la vie au Québec nous offre des moments de bonheur uniques, qui font vite oublier le froid ou les changements culturels.
Les petits plaisirs en famille
Au Québec, chaque saison a sa personnalité, et avec elle son lot d’activités.
L’hiver, malgré le froid, nous ouvre à la magie des paysages enneigés : patin, glissades, raquettes, promenades en forêt… et tout cela parfois gratuitement, juste en profitant de la nature.
Le printemps, qui revient avec le chant des oiseaux, fait renaître les fleurs et les parcs deviennent des terrains de jeu sans fin.
L’été, les festivals, les piscines et escapades en plein air nous permettent de profiter pleinement du grand espace qu’offre le Canada.
L’automne, avec ses couleurs flamboyantes, est un vrai plaisir pour les yeux et les balades en famille.
Vivre dans un pays aussi grand et varié, c’est avoir l’impression que les possibilités sont infinies. Quel que soit les envies de la famille, il y a toujours quelque chose à découvrir.
Pour nous, chaque saison devient une occasion de créer des souvenirs uniques, de profiter ensemble et de s’émerveiller.
Découvrir une nouvelle culture
Découvrir une nouvelle culture, ce n’est pas seulement observer ou participer à des événements locaux. C’est réapprendre à vivre autrement, à s’adapter à de nouvelles habitudes, à des façons différentes de penser et de ressentir le quotidien. Ici, on prend conscience que la société, les relations, le rythme de vie, et même la façon de concevoir l’éducation ou le travail peuvent être différents de ce que l’on connaît.
Ces différences sont de véritables sources de plaisir et de curiosité, par exemple à travers la cuisine locale. Goûter de nouvelles saveurs, découvrir des plats typiques comme la poutine et la tarte au sucre (plat et dessert favoris de notre fils), apprendre à cuisiner avec des ingrédients qu'on n'utilisait pas autrefois... Et finalement, on se rend compte que tout cela devient un petit bonheur quotidien.
Cette immersion ouvre l’esprit, nous fait remettre en question nos réflexes et nos certitudes, et enrichit notre façon de voir le monde. Chaque petite adaptation, chaque découverte, est une victoire : comprendre les codes sociaux, naviguer entre les traditions locales et nos propres habitudes, et parfois même rire de nos malentendus… tout cela fait partie du plaisir de s’immerger dans la culture québécoise et de partager ces moments avec nos deux enfants, qui s’émerveillent à leur tour de ce nouveau monde.
Voir grandir nos enfants autrement
L’un des grands moteurs de notre décision d’immigrer, c’était Lyly et Lylyne.
En tant que parents, on veut toujours leur offrir le meilleur, et ce choix de venir vivre au Québec était, en grande partie, pour eux. Pour nous, leur donner de nouvelles perspectives, des expériences différentes et un environnement où ils peuvent s’épanouir pleinement était essentiel – bien sûr, ce “meilleur” reste subjectif, mais c’est celui que nous avons choisi pour notre famille.
Vivre au Québec, c’est les voir grandir autrement, avec un rapport différent à l’école, aux activités et à la société. Il est vrai que le fait que le système valorise l’enfant, écoute ses émotions et l'encourage à etre la meilleure version de lui nous conforte dans notre choix.
Et puis, il y a ces moments où on observe leur émerveillement : lorsqu'ils construisent un bonhomme de neige pour la première fois, lorsque l'on cueuille des tulipes au printemps ou que l'on part couper notre propre sapin de Noël… Ces instants simples mais puissants nous rappellent que notre décision, malgré les défis, ouvre un champ de possibles infini pour eux, et pour nous aussi.
Créer notre propre cercle et nos traditions
Vivre loin de nos racines ne signifie pas être seuls. Peu à peu, nous avons construit notre famille ici, un mélange de liens familiaux et d’amitiés précieuses.
Une partie de ce cercle existait déjà : la famille qui avait posé ses valises au Québec avant nous, certains immigrés depuis longtemps, d’autres nés ici. Ces relations nous ont offert un soutien solide et un repère dans ce nouvel environnement, des alliés pour rire, partager des conseils, et traverser les petits défis du quotidien.
À travers eux, nous avons appris à tisser nos propres traditions : week-ends en nature, repas conviviaux, célébrations adaptées aux saisons ou aux habitudes québécoises, tout en gardant une touche de nos racines martiniquaises. Ces rituels, simples mais profondément signifiants, sont notre ancrage ici, ils nous permettent de sentir que nous appartenons à cette nouvelle vie, tout en restant fidèles à nous-mêmes.

Vivre au Québec, en tant qu'immigrés, c’est un mélange constant de défis et de joies. Chaque jour, il faut s’adapter : le climat, les codes sociaux, le système scolaire, le travail… mais aussi créer sa place, son cercle, et voir grandir ses enfants dans un environnement différent.
Ce choix d’immigrer n’est pas facile : on se déracine, on perd parfois ses repères, on ne peut pas toujours compter sur ses parents, et il faut gérer enfants, travail et quotidien en même temps.
Pourtant, malgré ces difficultés, il y a une richesse incroyable dans cette expérience : les petits bonheurs de chaque saison, la découverte d’une culture nouvelle, les sourires de nos enfants qui s’épanouissent, et la chaleur d’un cercle que l’on s’est construit.
Choisir de vivre ailleurs, c’est accepter de se transformer tout en continuant à vivre pleinement, avec ses défis mais aussi ses moments de bonheur intenses, qui rendent ce voyage de la vie unique et profondément gratifiant.
À vous qui avez immigré ou qui y songez, sachez que chaque défi surmonté sera une victoire, et que chaque sourire de vos enfants en vaudra la peine ! Prenez soin de vous <3.



































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