Notre parcours d’immigrés : l’histoire derrière notre vie québécoise
- Sandy
- 19 nov.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 nov.
(Histoire longue, même si j'ai essayé de la faire courte... mais que j'avais envie de vous partager ici <3)
Il y a des décisions qu’on prend sans vraiment comprendre pourquoi, mais qui finissent par redessiner tout le cours d’une vie.
La nôtre a commencé en décembre 2019, un soir où l’on s’est dit :« Et si on partait ? Et si on essayait ailleurs ? ».
On ne voulait pas la France. On voulait un “ailleurs”, sans savoir lequel.
Et le Québec s’est imposé, presque comme une évidence… alors que G. n’y avait jamais mis les pieds. Moi, oui. J’y avais des souvenirs d’enfance, des voyages en famille, de mon stage pendant mes études.
C’était une porte familière dans un futur qui ne l’était pas du tout.

Les prémices : un départ prévu… puis bouleversé
À l’époque, on avait un plan clair : partir six mois, en mode sac à dos, découvrir le Canada, puis rentrer faire toutes les démarches correctement. Mais en février 2020, G. quitte son poste de responsable dans une boucherie pour se consacrer au projet. Et là… le monde bascule : COVID. Frontières fermées. Tout s’arrête.
Et comme si la vie voulait ajouter un chapitre inattendu…On apprend qu’on attend notre deuxième enfant.
Ça aurait pu nous freiner. Ça ne l’a pas fait. Ça a juste repoussé notre départ, pas notre envie.
Alors, on a mis en place le Plan B : trouver un employeur depuis la Martinique.
G. a eu des propositions… mais toutes demandaient qu’il soit déjà sur le territoire. Impossible : Pandémie.
Puis un jour, il répond à une annonce d’une boucherie à Montréal. Ils lui disent oui ! Un vrai oui ! Le genre qui change une vie.
Ils acceptent de lancer tout le processus : EIMT, permis fermé pour lui, permis ouvert pour moi.
On collabore avec un avocat spécialisé en immigration. On enchaîne les envois de documents, les preuves, les échanges. (Note à soi-même : toujours être organisé dans l'archive de ses documents personnels, ca a été un enorme gain de temps pour nous de tout avopir sous la main !).
Et pendant que tout se met en place…J'apprends de mes employeurs en Martinique que je pourrais continuer à exercer mon métier de responsable marketing à distance. Un soulagement immense.
Puis, les mois d'attente interminable passent. C'était dur, dur d'être dans l'incertitude. On donne naissance à notre fille, de quoi nous occuper l'esprit, même si toute notre vie ne tourne plus qu'autour de ce projet, qui nous fait clairement vibrer.
Et en juin 2020, on reçoit la demande de biométrie (il n'existe pas de bureau en Martinique, le plus proche étant Sainte-Lucie, mais innaccessible durant la periode COVID). On saute dans un avion pour la Paris, quatre jours express avec les enfants, juste pour laisser nos empreintes. On rentre en Martinique et c'est le 12 juillet 2020 que le fameux courriel tombe : La lettre d'acceptation est là !
On y est, cette fois, pour de vrai !
Le départ : un voyage… pas comme les autres
On avait déjà quitté notre appartement depuis plusieurs mois, vendus nos meubles, laissé toutes ces petites choses parfois sentimentales ou gardées par habitude. On vivait dans un meublé de tourisme.
On a du alors préparer nos sept valises, sept valises dans lesquelles tenaient finalement toute notre vie, celle qu'on avait décidé d'emporter avec nous. On a pris nos deux enfants en bas âge sous le bras, face à une pandémie mondiale, pour emprunter un itinéraire digne d’un périple : Fort-de-France → Pointe-à-Pitre → Saint-Martin Juliana → New York La Guardia → Montréal.
Et pendant ce temps, au Québec, le cousin de G. et sa femme nous ont donné le plus beau des coups de main en visitant les appartements pour nous. Notre choix c'est alors porter sur un 4 ½ tout neuf à Laval, situé à deux pas d'une station de métro. Cette notion était cruciale dans notre organisation, car nous savions que nous n'aurions eu qu'une seule voiture. Ils ont aussi acheté les sièges auto, nous ont prêté des matelas gonflables, de la vaisselle, des serviettes, des chaises, une table, de quoi commencer une vie avec douceur.
On les remerciera toujours, car ils ont rendu ce passage tellement plus humain, plus tranquille.
Avant de partir, j’avais aussi trouvé une place en garderie privée pour nos deux enfants. On voulait que tout soit prêt pour leur offrir une transition en douceur.
Le 3 août 2020, on quitte la Martinique. Pour de bon.

L’installation : apprendre un nouveau monde
Nous sommes donc arrivés en plein été. Le soleil, la chaleur, la douceur du Québec nous accueillent comme pour nous dire « respirez, vous avez le temps ».
Les premières semaines, c'était un véritable marathon :
ouvrir les comptes bancaires
comprendre la différence crédit/débit
transférer nos fonds depuis la Martinique
meubler l’appartement
acheter la voiture
découvrir la garderie
apprendre les systèmes, les réflexes, les habitudes
gérer nos dépenses sans savoir encore ce qui est “cher” ou “normal”
s'efforcer de ne plus tout comparer (Euro vs Dollar CAD)
C’était intense, mais on était porté par l’adrénaline d’un nouveau départ.
G. lui a commencé son travail une semaine après notre arrivée. Moi un mois plus tard. Ma mère, quant à elle, est resté deux semaines pour nous aider à amorcer la vie à quatre dans notre nouveau chez nous.
Les premiers mois : la lune de miel
Et puis…La magie opère.
On adorait tout : les parcs, les transports, la ville, les activités, les rencontres, la politesse des gens, la sécurité, l’espace, la simplicité.
On n’avait pas idéalisé le Québec. Et c’est probablement ce qui nous a sauvés.
On voulait juste vivre une expérience. On n’attendait rien d’extraordinaire. On avançait, un jour à la fois.
G. de son côté se sentat bien au travail. L’ambiance était bonne. Il s'est facilement lié d'amitié avec ses nouveaux collègues.
À la maison, on profitait à fond, on découvrait la joie de faire quelque chose de nouveau, ensemble.
Les défis : la réalité qui rattrape
Puis, sont apparus les premiers nuages. Normaux. Prévisibles. Mais parfois difficiles.
G. travaillait 40 heures par semaine (la norme au Québec). J'étais habitué à ces horaires en Martinique. Avce son métier de boucher, il est ammené à commencer tot, à finir tard, à travailler les week-ends et les jours fériés. Mais dans un pays où on ne peut plus que compter sur nous deux, ça demande de la ressource. Impossible pour lui d’amener ou d’aller chercher les enfants. Alors, je gérais quasiment tout.
Dans la foulée de cette adaptation à notre nouveau rythme, notre fille enchaîne les otites. Ça, ça a été dur. Les nuits blanches, les rendez-vous chez le medecin (parfois deux fois dans la même semaine) et le froid qui s'intallait ne rendait pas les choses faciles.
Et puis…La grosse surprise. On découvre à la première paye de G. qu'il avait négocié son salaire… en brut. L’erreur du débutant ! On rit aujourd’hui, mais je vous avoue qu'à l'époque, on ne riait pas beaucoup.
Est venu s'ajouter à cela que nous n'avions droit à aucune aide pour la garderie de nos enfants avec notre statut d’immigrés. Nous n'étions pas venu jusqu'au Canada pour extirper des sous au gouvernement, mais c'était une dépense (non-négligeable, car 42$/jour/enfant) à laquelle nous n'avions pas pensé.
Les frais ont alors littéralement explosé ! Et nous ont fait revoir toutes nos finances.
Ce sont clairement nos économies qui nous ont porté pendant les premiers temps.
Mais on a tenu bon.
Ce qui nous a fait rester
Malgré tout. Malgré ces défis, on se sentait bien. Vraiment bien. D'ailleurs, on se sent toujours bien au Québec, et ça, dès le premier jour.
Il faut dire qu'on a été touchés par la bienveillance des gens (combien de fois j'ai entendu "Vous êtes une très belle famille"), la manière dont ils se comportaient avec nos enfants, la douceur des interactions, l’absence de jugement, le fait de ne jamais se sentir “de trop”.
On ne saura peut-être jamais exactement pourquoi…Mais on s’est sentis accueillis.
Et ça, quand tu arrives de loin, ça compte plus que tout.
Ce que cette immigration a transformé en nous
Nous sommes devenus plus soudés. Plus solides. Plus ancrés. Plus résilients.
On a appris à se connaître autrement. À nous redécouvrir en dehors de notre île, de nos familles, de nos repères.
On a compris l’importance de la famille, ce noyau qu'on s'est créé, mais aussi la fierté d’être capables de voler de nos propres ailes.
On a changé. Et on aime les personnes qu’on est devenues.
Une histoire qu’on n’avait pas prévue, mais qu’on ne changerait pour rien au monde !
Ce départ était un pari. Un saut dans le vide. Une intuition. Une envie d'“ailleurs”.
On n’avait pas imaginé ce que ça deviendrait. On n’avait pas prévu les détours, les rebondissements, les nuits compliquées, les découvertes, les joies immenses.
Mais aujourd’hui… Avec le recul…On sait qu’on a fait ce qu’il fallait.
On n’a pas juste changé de pays. On a changé de vie. Et un peu changé nous-mêmes.
Et ça, personne ne pourra nous l’enlever.






























